Je travaille désormais depuis plusieurs mois sur les IA génératives et avec elles et, pourtant, cela ne m’a pas empêchée de commettre un impair, en ce début d’année scolaire, dans lequel un certain nombre de mes élèves de 5ème se sont engouffrés.
Lors des expressions écrites de fin de séquence, déjà bien avant l’apparition et le développement pour le grand public des IA génératives, j’avais pris l’habitude de proposer à mes élèves, si le temps leur manquait pour finir de recopier leurs brouillons en classe, de le faire à la maison, en étude ou sur les temps de « Devoirs Faits ».
Depuis l’apparition des IA génératives grand public, je demandais systématiquement aux élèves de me remettre leur brouillon avec la copie finale afin de vérifier leurs compétences dans l’amélioration d’un écrit de brouillon mais aussi de mesurer les écarts éventuels entre les deux versions, repérant alors rapidement une triche potentielle.
Mais cette fois-ci, trop confiante ou trop fatiguée, j’ai omis cette précaution. J’ai alors eu la désagréable surprise de lire quelques belles productions de Chat GPT ou d’un de ses concurrents. Remise de ma première colère – contre mon manque de discernement et celui de mes élèves – j’ai imaginé le dispositif pédagogique qui suit, largement inspiré de ce scenario de l’académie de Versailles, proposé au lycée par Cécile Le Chevalier, extrêmement développé et rigoureux.
Enseignant : |
Marie Dumaine Collège Victor Hugo Besançon |
Contexte, durée et classe : |
– Une classe de 5ème. – Après une expression écrite de fin de séquence (la première de l’année), les élèves ont eu la possibilité de terminer de recopier le travail en dehors du cours de français. – L’enseignante a relevé puis corrigé les copies (correction audio). – S’apercevant d’une triche à l’IA sur un certain nombre de copies, à la suite de la remise des copies en classe, l’enseignante a organisé une séance d’une heure différenciée : les élèves ayant travaillé seuls ont pu corriger, faire évoluer leurs écrits (correction audio de l’enseignante et gestes du DRAS) pendant que les élèves qui avaient recopié une IA ont refait le travail en temps limité. – Une séance d’une heure a suivi permettant de confronter les élèves aux différents travaux (IA ou non), puis d’échanger sur les questions et problèmes qu’une telle triche soulève, enfin, de travailler sur le fonctionnement des IA génératives et des précautions qui doivent entourer leurs usages. |
Objectifs : |
– Comprendre que les compétences évaluées en expression écrite ne peuvent être prises en charge par une IA générative. – Tenter de mettre fin au recours systématique à l’IA annihilant tout recours à l’intelligence, à la libre pensée, à la créativité et l’imaginaire. – Acquérir des notions sur le fonctionnement d’une IA générative. – Comprendre les règles à respecter en matière d’écriture originale et personnelle. |
Conditions matérielles : |
– En 5ème, le cadre d’usage de l’IA en éducation interdit toute manipulation. Toutes les démonstrations ont donc été faites par l’enseignante au tableau. A partir de la classe de 4ème, on peut imaginer faire prendre en main l’IA Vittascience par les élèves, travaillant sur la modification des Tokens par exemple, permettant ainsi de faire évoluer les résultats obtenus. – Un vidéo projecteur suffit donc, relié à un ordinateur connecté à Internet. – Par l’intermédiaire de Pronote et sous couvert de l’autorisation du chef d’établissement, une information aux familles de la classe a été faite suite à cette séance. – Capture et anonymisation de copies d’élèves recopiées d’après une IA ou de copies sans triche. – Vittascience |
Mise en œuvre : |
1. Correction de l’enseignante et repérage des copies potentiellement effectuées par l’IA (voir ICI un scenario de correction audio). Retrouvez le sujet complet proposé en classe pour cette expression écrite de fin de séquence : EE Planète nouvelle différencié
2. Séance d’1h de correction différenciée 3. Séance d’1h de sensibilisation au fonctionnement et aux usages des IA génératives
– Analyse des productions générées par IA pour les rapprocher et comprendre comment elles étaient construites. La comparaison avec des productions personnelles et originales d’élèves n’ayant pas eu recours à l’IA fut également porteuse pour mettre en valeur ces dernières. – Explication par l’enseignante du fonctionnement d’une IA générative et notamment de la question des probabilités dans les successions probabilistes de tokens avec l’exemple : « Il a mis pied à terre / l’étrier. » |
Résultats : |
– Les élèves étaient surpris par la maîtrise et la connaissance des IA génératives par l’enseignante : ils sont persuadés que les adultes ne maîtrisent pas ces outils, du moins pas aussi bien qu’eux. – Ils ont découvert avec étonnement qu’il est facile de reconnaître un contenu généré par l’IA et cela a permis à l’enseignante de les sensibiliser sur leur pouvoir critique face à ce qu’ils lisent au quotidien. – Beaucoup d’attention et de participation des élèves investis et curieux. – Compréhension de la notion de créativité, d’originalité dans l’écriture. Les élèves ont perçu le fait qu’une IA est un outil mais ne remplacera jamais l’imagination et la créativité humaine et qu’en expression écrite en français c’est cette créativité que je souhaite évaluer et non la génération textuelle probabiliste certes grammaticalement très bien construite mais complètement vide de toute sensibilité, originalité et imagination. |
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